Amelon était couché en ce beau soir d'été. L'herbe haute se mélangeait avec les poils de sa crinière et de son pelage. Il était heureux ; depuis sa rencontre avec Aniku, la princesse de Palmyra, il se sentait calme. Il n'avait pas vraiment d'amis ; il jouait avec le vent. Dès qu'une petite brise s'élevait, il se mettait à courir. Il observait le vent caresser les herbes et il voyait où il était. Le jeune prince essayait de le dépasser.
C'était là ses pensées, lorsqu'il se rendit compte que le vent allait se lever à nouveau. Il dressa les oreilles ; oui, une douce brise allait bientôt se transformer en un vent plus fort. Amelon se leva d'un coup, tendit ses pattes d'avant et agita sa queue, comme le ferait un louveteau qui veut jouer. Il entendit le vent souffler au loin... Il s'est mit en place. Dès que la brise passa vers lui, il s'élança. Il ne courait pas très vite, mais il allait quand-même plus vite que le vent. A vrai dire, cette brise était trop douce pour qu'il joue avec elle.
Il allait s'arrêter, quand un puissant souffle le fit trébucher. Il se retourna ; un gros nuage noir s'approchait... Et le vent devenait plus fort. Ravi, le prince reprit sa course. Mais la brise n'était plus une brise... c'était une tramontane. Il se mit à courir plus vite, mais cela ne suffisait pas. Il courait de plus en plus vite, quand il s'apperçut que la nuit était tombée, mais pas une étoile ne brillait. Le ciel était couvert de nuages sombres. Cela pourrait être dangeureux... Pourtant Amelon n'abondonnerait pas sa course si facilement ! Cependant, le mistral approchait. Le loup courait si vite, qu'il ne savait plus si il volait, si il courrait, ou si il était emporté par le vent !
Tout d'un coup, il réalisa avec terreur qu'il était arrivé à la cascade d'Ilahota et qu'il risquait de tomber dans le courant d'eau ! Il voulait s'arrêter, mais il ne pouvait pas. Il essayait de s'accrocher avec ses griffes, mais le vent le poussait et sa vitesse était si grande qu'il ne pouvait plus s'arrêter. Il ne voyait plus autour de lui. Le seul fait d'ouvrir ses yeux lui faisait mal.
Cela a duré huit minutes. Huit minutes terrifiantes, pleines d'agonie, de peur et de course folle... Le jeune loup a enfin pu voir la cascade devant lui. Si il tombait de cette chute d'eau, il était un loup mort. Il a enfin pu s'arrêter. Mais il avait perdu son équilibre. Ses griffes allaient glisser. Amelon a senti une mâchoire le retenir en arrière. Des pierres se décollaient de la terre et disparaissaient dans la mousse que produisait l'eau, beaucoup de mètres plus loin. Il tomba par terre, engourdi. Il était épuisé. Le vent soufflait dans ses oreilles. Les arbres ployaient sous lui, des herbes s'arrachaient autour du prince, et du loup ou de la louve qui lui avait sauvé la vie. Il ferma les yeux, épuisé par l'émotion. Il crût entendre une voix près de lui, mais le vent hurlait plus fort. La louve, voyant qu'Amelon ne pouvait plus bouger, sortit les mêmes crocs qui venaient de sauver le jeune prince. Elle l'emmena dans un terrier, sous un arbre.
Quand Amelon a ouvert les yeux, la douce brise qu'il avait trouvée si ridicule n'était plus. A sa place, un mistral détruisait tout sur son passage. Amelon se releva lentement et vit devant lui la louve qui l'avait sauvé. Il rougit en voyant sa propre mère, Candice, la reine des Héliens ! Amelon baissa la tête, prêt à être grondé.